Voilà plus de quarante ans que Michel-Alain Louÿs s’intéresse à la Chine et a commencé à apprendre le chinois. Il a vécu dans ce pays qui ne cesse de le surprendre. Il a travaillé à Wuhan, Canton, Pékin et Shanghai. Dans ces deux dernières villes où il a vécu une quinzaine d’années, il a été témoin de la rapidité des transformations urbaines de ces villes-mondes. La Chine d’aujourd’hui ne ressemble plus guère à celle qu’il a connue lorsqu’il étudiait le chinois à l’université.
À un moment donné de son parcours, face à un environnement chinois en perpétuelle mutation et sans doute en réaction aux voix chinoises qui répètent à l’envi qu’un étranger ne pourra jamais comprendre ce pays, la photographie s’est imposée à lui comme le support privilégié pour trouver le recul nécessaire pour saisir l’ampleur de ces changements et tenter d’en comprendre les effets sur lui-même et ses contemporains. Photographier est devenu pour lui une façon singulière d’expérimenter une relation authentique avec le réel.
À travers son écriture artistique et son cheminement photographique, son projet est d’essayer de retranscrire non seulement la diversité de son expérience chinoise mais, plus encore, d’interroger la relation que nous entretenons nécessairement avec ce qui est autour de nous qui colore nos perceptions et tout ce qui nous traverse. Plus généralement, il s’intéresse à l’attention que nous accordons au réel.
Imaginer photographier, c’est décider d’être le contemporain d’un moment singulier auquel on prête toute son attention. C’est s’engager dans une relation attentive avec ce qui va survenir l’instant d’après – celui où l’on appuiera sur le déclencheur. C’est de la sorte ouvrir la porte à de nombreux possibles et les accueillir joyeusement même si l’on ignore à l’avance de quoi ils seront faits exactement. Pour Michel-Alain LOUŸS, la photographie est un moyen de se raccorder pleinement à l’instant présent d’un lieu en le dilatant pour s’y alimenter et ainsi s’y inscrire totalement. Dès lors, ce dont l’acte photographique devient la trace, c’est le processus qui aboutit à la photographie. Chaque photographie peut être considérée alors comme contenant en partie la trace même de ce qui l’a faite naître. C’est toujours l’histoire d’une transition d’un avant vers un après qui y est racontée.
Souhaitant entretenir un dialogue privilégié avec la culture chinoise, il coopère régulièrement avec la photographe chinoise WANG Han avec qui il a eu plusieurs expositions en Chine et en France. Dans leurs travaux communs, on retrouve un intérêt pour la différence et la répétition, les apparitions et les disparitions, comme si ces variations donnaient le moyen d’approfondir ce qui était initialement perçu. Depuis quelques années, Michel-Alain LOUŸS vit de nouveau en France.